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L’AMF est en réflexion

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Le télétravail a révolutionné l’industrie.

Par : Yan Barcelo | Source : Finance et Investissement | 16 octobre 2023

damircudic / iStock

Alors que bon nombre de conseillers choisissent le travail hybride et même le télétravail pour l’ensemble de leurs activités, certains représentants exercent leurs activités de l’extérieur de la province, comme en ­Floride, ont affirmé des répondants au ­Pointage des courtiers québécois et au Pointage des courtiers multidisciplinaires de 2023, sondés de janvier à mai dernier.

Pour l’heure, aucun interdit réglementaire ne le limite, mais il doit être effectué à l’intérieur de certaines contraintes, réglementaires et informatiques surtout. Cependant, tout cela pourrait changer, avertit l’Autorité des marchés financiers (AMF), à la suite de sa réflexion en cours sur les conditions et exigences à ce sujet.

« ­Le télétravail a révolutionné l’industrie, constate ­Nancy ­Lachance, chef de la conformité à ­MICA ­Cabinets de services financiers. Aujourd’hui, la très grande majorité de nos conseillers rencontrent leurs clients à distance et pratiquent notamment la signature électronique. »

Certes, le télétravail à l’intérieur des frontières du ­Québec ne pose aucun problème, par exemple un conseiller qui interagit virtuellement avec ses clients à partir de son domicile à ­Laval. Mais qu’en est-il du télétravail hors province, quand un conseiller est aux ­Caraïbes ou ailleurs ?

« ­On s’est posé des questions, à savoir si ça posait un problème réglementaire, admet ­Nancy Lachance. On n’a trouvé aucune interdiction dans la réglementation. Pour le moment, le télétravail est “hors-circuit” pour l’AMF du côté de l’épargne collective. »

Vérification faite, l’AMF confirme les propos de ­Nancy Lachance. Outre les dispositions courantes qui encadrent la pratique du conseil financier au ­Québec, il n’y a aucune interdiction pour une personne de servir des clients québécois à partir de ­Fort ­Lauderdale ou de ­Buenos ­Aires.

Même son de cloche du côté de la ­Chambre de la sécurité financière (CSF). « ­Pour ce qui est de l’exercice de la profession ­elle-même, nous indique par courriel la ­CSF, si les visas ou les permis nécessaires sont obtenus, de même que l’autorisation de la firme à laquelle le conseiller est rattaché, il n’y a pas de freins au télétravail pour les membres de la ­CSF. »

Attention, avertit l’AMF par voie de courriel : « L’Autorité réfléchit présentement à l’exercice des activités à partir de l’extérieur du ­Québec et aux conditions ou autres mesures à exiger le cas échéant. Elle rendra publique sa position à l’issue de ses travaux. »

Exigences courantes

L’AMF ayant pour mandat de protéger le consommateur québécois, les statuts et exigences courants s’appliquent. À savoir qu’il faut détenir une autorisation de pratiquer au ­Québec délivrée par elle « et respecter l’ensemble de la réglementation applicable ».

Sans aller jusqu’en ­Argentine, un conseiller pourrait vouloir servir virtuellement des clients à partir de l’Ontario, ou encore des clients ontariens. Dans le premier cas, la présence au ­Canada ne change rien : il faut disposer du permis québécois dispensé par l’AMF. Dans le deuxième cas, il faut être inscrit en ­Ontario. « L’inscription demeure nécessaire dans chaque province et territoire où il y a exercice d’activités en valeurs mobilières, écrit l’AMF, mais c’est le régulateur principal (de chaque province) qui coordonne le processus d’inscription. »

Une tendance d’inscription « pancanadienne » se dessine, surtout chez les plus jeunes conseillers, relève ­Adrien Legault, ­vice-président et directeur général au ­Québec, Réseau d’assurance ­IDC Worldsource. De plus en plus de représentants du ­Québec vont chercher leur permis dans d’autres provinces et des représentants d’autres provinces obtiennent leur permis au ­Québec. « Ça tient à deux raisons, explique le dirigeant. D’abord, il y a une plus grande facilité de travailler à distance. Ensuite, il y a une génération de conseillers qui regardent le marché non pas comme le ­Québec ou l’Ontario, mais comme le marché, ou tout au moins, le marché canadien. Avant, les gens se confinaient aux barrières provinciales. C’est moins le cas aujourd’hui, alors qu’on a une vision plus globale de la pratique. »

Obligations numériques

Si le télétravail ne tombe sous aucun interdit et qu’aucune clause réglementaire spécifique, n’est prévue à ce sujet, tant l’AMF que les firmes insistent sur un impératif : la sécurité informatique. « Notre seule exigence tient à la sécurisation du réseau informatique, sans fuites de données, et que la conservation des documents soit assurée, notamment dans l’infonuage, déclare ­Nancy Lachance. On ne veut pas que des échanges de courriels passent sur des réseaux publics. »

L’AMF insiste aussi sur ce point : « ­Il est primordial de prendre les mesures nécessaires, notamment pour protéger les renseignements personnels des clients et pour éviter les accidents technologiques, et veiller à ce que le travail soit effectué via des espaces électroniques exempts de risques informatiques. »

« L’accès au serveur informatique devrait aussi être possible uniquement via un réseau privé virtuel sécurisé (VPN) », précise l’AMF.

Elle met également de l’avant d’autres exigences, outre d’être disponible et diligent envers les clients : le cabinet pour lequel travaille tout conseiller doit tenir au ­Québec des livres, registres et dossiers. « ­Un inscrit doit avoir un établissement au ­Québec, où il est possible de consulter et d’obtenir tous les documents, renseignements, livres, comptes, dossiers et registres dont la tenue et la conservation sont exigées par la loi et ses règlements. » ­De plus, tant le cabinet que le conseiller doivent détenir une assurance responsabilité conforme à la réglementation.

« ­Un cabinet ou une société autonome et ses dirigeants doivent veiller à la discipline de leurs représentants, note l’AMF. L’Autorité invite à prêter attention à la possible difficulté de respecter toutes les obligations compte tenu de la distance. »

Le représentant et son cabinet doivent comprendre les conséquences du travail effectué à l’extérieur du ­Québec « et augmenter leur vigilance en fonction des risques ».

Tant du côté des valeurs mobilières que de l’assurance, s’il y a des interdictions ou des limites imposées au télétravail, elles proviennent des firmes et non du régulateur. Du côté de l’assurance, par exemple, « certains assureurs disent que le télétravail ne nous dérange pas, mais d’autres ne veulent rien savoir, explique ­Adrien ­Legault. Certains disent qu’ils ne veulent pas s’embarquer, d’autres, que c’est le problème du représentant. Il n’y a pas d’uniformité dans les réponses qu’on reçoit ».

En assurance, une contrainte prévaut : il faut que le contrat soit signé au ­Québec. Attention, avertit Nancy ­Lachance : si c’est signé électroniquement, certains pourraient penser que le lieu n’a aucune importance et est indétectable. « L’assureur peut voir avec l’adresse ­IP du client dans quelle province le contrat a été signé », ­précise-t-elle. Un contrat d’assurance signé ou établi au ­Québec est régi par les lois de la province.

De même qu’il y a des obligations liées à l’exercice du conseil au ­Québec, il peut y en avoir aussi ailleurs, par exemple des obligations fiscales ou des interdictions de travailler dans un pays étranger sans visa. Or, ces impératifs ne relèvent nullement de la réglementation québécoise et il appartient à chaque conseiller de connaître les obligations spécifiques des régions administratives d’où il veut télétravailler.

Source : Finance et Investissement

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